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reese whitmore

~ give me a reason to be a woman ~
{© tumblr ♢ portishead}

       
       

∞ Reese n'a pas toujours vécu à Hawkshead. Jusqu'à ses dix ans, Nottingham était sa maison, son univers. Encore maintenant, elle en connaît les moindres détails, les endroits sympas, les petits bars qui ne paient pas de mine mais font des happy hour délirants, les coins pittoresques de Wollaton Park ou encore la fameuse statue de Robin des Bois, située près du château. Son père, professeur en psychosociologie à l'Université de Nottingham, lui a tout enseigné de cette ville à l'histoire si riche. Si ce n'avait été pour le divorce de ses parents, elle y vivrait sans doute encore. Qu'importe, elle y retourne régulièrement passer quelques week-ends, se nourrir de la fraîcheur du vent des East Midlands et de l'atmosphère qui y règne. Son père a refait sa vie quelques années seulement après le départ de sa mère, s'est remarié, et Reese a deux demi-frères qu'elle ne connaît que mal (bien que ce constat ne la chagrine pas outre mesure).

∞ Le choix de Hawkshead n'a pas été fait par hasard. Sa mère, gamine de dix ans sous le bras, est tout simplement rentrée chez elle, dans son village natal, qu'elle avait quitté pour être avec son mari. Et la ville s'est empressée d'accueillir à bras ouverts l'une de ses enfants ayant enfin retrouvé la voie de la raison. Se faire sa place ici n'a pas été difficile pour Reese. Etrangement, les gosses de son âge étaient nombreux, bien assez nombreux du moins pour l'accueillir elle aussi. On dit beaucoup de choses des petites villes de province, on les connaît pour voir d'un mauvais œil les nouveaux venus. Si c'est sans doute vrai pour les autres, elle en revanche n'a jamais eu cette impression et c'est à présent bien à Hawkshead que sa vie se trouve.

∞ Reese n'a jamais rien eu d'une enfant calme et sans histoire. Turbulente, elle s'est bien vite trouvée des partenaires de choix, une bande de pré-adolescents dont les histoires faisaient les choux gras des commères de la ville. Et si elle était de loin la plus tempérée de tous, elle n'était jamais la dernière pour les bêtises. Elle était même souvent mise en tête, on se disait que son petit minois suffirait à attendrir les gens s'ils se faisaient attraper. Elle n'était pas féminine, à l'époque, ne l'est pas plus à présent. Garçon manqué, elle ne craignait pas de salir ses vêtements, de sauter dans les flaques d'eau, dans la boue, de rouler dans l'herbe. Pas coquette, et toujours très créative lorsqu'il s'agissait de trouver de nouvelles occupations, toutes moins décentes les unes que les autres. Fort heureusement, si ses compagnons et elle agaçaient les habitants, ceux-ci n'ont cependant jamais mis à l'oeuvre toutes les menaces proférées à leur encontre.

∞ Elle a, d'aussi loin que sa mère se souvienne, toujours possédé son petit tempérament. Pas colérique, non, jamais colérique, mais très fière. Pas le genre à s'excuser, pour rien du tout. Pourquoi l'aurait-elle fait, puisqu'on lui pardonnait volontiers ses petits écarts de conduite ? Reese ne se laisse pas faire, un trait hérité de son père. On ne lui marche pas aisément sur les pieds et, petite, elle était capable de rendre chaque coup donné. Par chance, dans sa bande, elle était traitée comme une égale, non comme une petite chose qu'il fallait défendre et protéger. Aimée – et respectée – c'est avec ce fier tempérament qu'elle s'est imposée parmi eux. Mais sa fougue est compensée par une générosité sans pareille, une bonne humeur contagieuse et un sens très développé de la justice. Elle refuse de voir les plus forts s'en prendre aux plus faibles et s'en tirer sans rien dire. Si elle en avait eu l'envie véritable, elle aurait fait une policière, ou bien une juge, très convaincante.

∞ Le départ du chef de leur bande, James, lorsqu'ils avaient seize ans, a marqué la fin d'une ère pour tous. Sans qu'on ne pût expliquer pourquoi, il leur sembla que ce départ signait le début d'une nouvelle vie, l'entrée dans un âge plus adulte. Peut-être parce que leur leader était charismatique et que personne n'était en mesure de s'y soustraire, le charme fut rompu à peine quelques semaines après. Personne ne savait ce qu'il devenait, personne ne chercha non plus à le savoir. Les rumeurs circulaient ci et là mais Reese n'y prêtait aucune attention. Son départ, et ses derniers mots, ont laissé beaucoup d'amertume en elle, sans doute une pointe de regret aussi, qui s'est bien vite envolée alors que sa vie reprenait son cours. De toute évidence, James était le ciment de leur bande, et personne ne fut capable de rallier les autres comme lui le faisait. Alors tous prirent un chemin différent, certains quittèrent Hawkshead, d'autres, comme elle, y restèrent, mais les choses ne furent plus jamais les mêmes entre eux. Oh, bien sûr, ils se voient pour la plupart encore, vont boire une bière ou s'appellent, mais la complicité, elle, s'en est allée aussi soudainement que James.

∞ Reese a toujours été une fille de la nature. On la voyait souvent gambader joyeusement dans les prés, les forêts, se jeter dans l'étang pour y nager quelques brasses, s'endormir à la belle étoile. Devenir fleuriste s'est imposé comme une évidence, pour elle et pour son entourage. Possédant une connaissance inestimable de la flore locale, et des autres, elle dispose d'un goût indéniable pour l'arrangement de fleurs. Capable de composer des bouquets pour toutes les occasions, tous uniques en leur genre, elle fait fureur dans la ville pour ces créations aussi belles que délicates au nez. Son métier la comble pleinement, elle ne souhaite pas devenir propriétaire de la boutique et se satisfait de n'être qu'une employée avec pour seule responsabilité de ne pas décevoir ses clients. Son aisance à discuter avec eux ne la rend que plus précieuse encore pour le patron. Il faut le dire, elle embobine comme personne les petites vieilles qui viennent commander un bouquet pour « une occasion spéciale » (ajoutez le ton de la confidence et vous aurez une image assez précise de la scène).

∞ Reese aurait sans doute pu quitter Hawkshead. A dire vrai, les occasions n'ont pas manqué mais elle est trop profondément ancrée dans cette ville pour songer ne serait-ce qu'une seule seconde à la quitter. Alors oui, cette fille se sent chez elle un peu partout, donnez-lui un peu de musique, une bière, un entourage sympa et elle se sentira comme à la maison, mais trop de souvenirs la rattachent à cet endroit. Il faut ajouter à cela une répulsion évidente pour les études « supérieures », réservées à une élite dont elle ne fait pas et ne veut pas faire partie. Elle est plus manuelle qu'intellectuelle, ne s'imagine pas rester des heures dans un amphi à écouter les élucubrations de quelqu'un qui ne connaît pas le sens de la vie véritable, de la vie telle qu'elle la connaît et l'aime. Partir de Hawkshead ? Pour aller où ? Pour y faire quoi ? Qu'y a-t-il ailleurs qu'elle ne soit en mesure de faire ici ? Rien. C'est bien pour ça qu'elle reste, même si c'est une petite ville, même si tout le monde la connaît et qu'elle n'a donc le droit à aucune deuxième chance, même si les ragots se propagent à la vitesse de la lumière et que tout le monde a un avis sur tout.

∞ Si son physique en fait une proie de choix pour beaucoup d'hommes de la ville, on ne lui connaît que peu de relations passées. Certains disent qu'elle est trop difficile, trop exigeante, qu'elle ne juge personne digne d'elle. Ils ne pourraient pas avoir plus tort. Elle n'est pas exigeante, pas plus qu'elle n'est difficile, chez elle tout se passe au feeling, l'amitié, l'amour, même la haine. Il n'y a pas d'explication rationnelle à cela. Elle ne se laisse pas facilement attraper et en est consciente, mais comment voulez-vous mettre un oiseau comme elle en cage ? Aucun homme n'a tenu sur la distance, quelques mois tout au plus. Il y en a bien eu un, près d'un an passé ensemble avant qu'il ne s'en aille, fatigué de Hawkshead. Reese n'en garde aucune amertume, se figure seulement qu'elle n'était pas assez, que ce sont des choses qui arrivent. Mais n'allez pas croire qu'elle vit chastement, vous seriez surpris de la voir parfois se faufiler hors d'une des maisons typiques de la ville. On tend à l'oublier parfois, tant on s'habitue à la voir proche des hommes d'une façon tout à fait platonique : elle n'est plus une adolescente, à vingt-quatre ans, les flirts n'ont plus rien d'innocent, les nuits plus rien d'amicales lorsqu'elles sont passées à deux à l'abri des regards. Pour obtenir Reese, il faut la gagner, et elle est une perle bien difficile à acquérir et plus encore, bien difficile à conserver.

∞ Les reproches fusent : immature, il semble parfois qu'elle n'ait pas changé, pas grandi depuis la grande époque. Qu'elle se comporte encore un peu trop souvent de façon imprudente. C'est que Reese est intrépide, aime le frisson, le challenge et le danger. Elle se sait trop jeune pour vouloir songer à se poser, trop jeune encore pour songer à mener une vie soigneusement tracée. Elle la veut imprévisible, elle veut l'insouciance, la fête, les bruits, les cris, la musique. Elle veut les soirées passées dehors à s'en faire saigner les pieds, elle veut les nuits à la belle étoile dans le champ d'à côté, sa bière à la main, elle veut la jeunesse à tout prix. Reese est trop sauvage pour la vie, la vraie. Et lorsqu'elle voit ses amies songer ne serait-ce qu'à l'idée de fonder une famille, elle ouvre grands les yeux. Il sera toujours temps de vouloir s'emmerder dans dix ans. Pour l'heure, il n'est pas encore temps de gâcher son présent. Elle profite et savoure, prend encore des risques. On la pense irréfléchie : on se trompe. Elle réfléchit seulement différemment.  

∞ En vrac : on peut parfois la voir disparaître des heures durant sans avoir la moindre idée de l'endroit où elle est allée. On pense même qu'elle ne reviendra peut-être pas. Son accent des Midlands est si prononcé qu'il est parfois difficile de comprendre ce qu'elle raconte. Elle se maquille à peine, seulement lors d'occasions spéciales. Excellente nageuse, on l'aperçoit souvent dans l'étang. Sa résistance à l'alcool est phénoménale, pour ne pas dire dangereuse. Elle est tout simplement incapable de minauder, chaque tentative se solde par une mauvaise caricature. Elle a toujours préféré la compagnie masculine à la compagnie féminine : les femmes se prennent trop la tête. Elle vit d'ailleurs en colocation avec un homme, uniquement par commodité financière – aucune chance que les choses dérapent entre eux. Elle n'a jamais visité Londres mais prétend très bien connaître la ville, seulement parce qu'elle regarde Eastenders, son péché mignon et inavouable. De nombreuses cicatrices sont visibles sur son corps, derniers vestiges de ses années les plus turbulentes. En dépit de son caractère affirmé, c'est une fille douce et profondément gentille, qui de surcroît ne sait pas mentir. Elle possède une grande admiration pour sa mère et déplore le fait que celle-ci n'ait jamais refait sa vie. Sa tenue idéale consiste en un jean, un débardeur et des Converses, elle ne possède qu'une paire de talons qu'elle ne porte que rarement. Elle est capable d'être un vrai pitre, à faire des conneries ou imiter des gens pour amuser la galerie.
       

Spoiler:

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~ i wish i could cut all ties,
you go you way and i go mine ~
{© tumblr ♢ lisa marie}

« Je n'arrive pas à croire qu'il soit parti... » Le murmure s'élève et fédère, tout le monde se met à acquiescer vigoureusement, encore sous le choc. Ah, James. Même lorsqu'il s'en va, il fait parler de lui. La seule à rester silencieuse est Reese, assise par terre, une jambe repliée sous elle. Et ce silence interpelle, elle qui n'a pas pour habitude de garder sa langue dans sa poche. Elle, dont on a pensé qu'elle serait la plus affectée de tous. Elle est la seule à laquelle il ait parlé en privé avant de partir et si elle n'a pas voulu raconter aux autres ce qu'ils s'étaient dit, tous s'imaginent qu'elle a eu le droit à une belle déclaration d'amour, la promesse qu'il reviendrait pour elle ou mieux, qu'il voulait qu'elle le rejoigne dans sa grande ville. Rien de tout ça, cependant. Les derniers mots ont été à son image : arrogants. Comme s'il avait attendu des semaines avant de tout lui cracher en plein visage, pour être certain que ça la marque. Peut-être même espérait-il qu'elle se sente coupable ? Difficile à dire, avec James Narendra, petit chef d'une petite bande d'une petite ville, nourri aux rêves de grandeur. Tout le monde parait affecté par son départ abrupt, personne ne comprend. Qu'y a-t-il ailleurs qu'il ne possède pas déjà ici ? Tout le monde l'adore – ou le craint – et sa bande le suivrait les yeux fermés. Même Reese, pourtant seule personne à oser le défier. Même Reese, à laquelle il a fait comprendre qu'elle se prenait pour ce qu'elle n'était pas. Pensez donc, Whitmore, la gosse débarquée de sa contrée lointaine (Nottingham, pourtant pas si loin), qui a le toupet de rejeter toutes ses avances quand les autres filles auraient tué pour qu'il leur manifeste le même intérêt. Quel orgueil, d'oser le repousser ! Il lui a dit qu'il trouverait mieux, et moins difficile qu'elle là où il allait. Elle le croit volontiers. Les grandes villes regorgent de filles plus jolies, plus grandes, plus fines, mieux habillées. De filles qui s'apprêtent, et prennent soin de leurs jolis vêtements. Des filles qui se damneront, là encore, pour qu'il les regarde et les désire. Des filles non pas faciles, mais moins difficiles qu'elle, qui sauront qu'elles ont de la chance d'éveiller son intérêt. Il en trouvera une, ou deux, ou dix. Elle le sait. Et cette idée la laisse de marbre. Leur échange a montré ce qu'elle savait déjà : James Narendra est un jeune homme aussi fier qu'elle, mais bien plus arrogant. « Tu dis rien, Reese ? » Elle hausse les épaules. La colère gronde encore en elle, non pas du fond mais de la forme. Son départ l'affecte, comme tout le monde, parce qu'il avait des côtés admirables, qu'elle savait apprécier à leur juste valeur. Qu'il dirigeait ces Merry Men mieux que n'importe qui d'autre aurait pu le faire. Qu'il leur rappelle que toutes les bonnes choses ont une fin, même l'amitié. Et s'il ne s'était pas montré aussi odieux, elle aurait sans doute partagé le même état d'esprit que ses compagnons. La forme, donc. Le fond lui est égal, il peut bien penser ce qu'il veut, ce Narendra qui s'imagine mieux que le reste du monde. Mais la forme, elle... « Je n'ai rien à dire. » Les murmures s'élèvent à nouveau au son de sa voix, dure et ferme. « Mais qu'est-ce qu'il t'a dit ? On vous a vus parler... » La curiosité suinte de sa question, s'empare de tout le reste de la bande qui lève des yeux avides sur Reese. Elle hausse à nouveau les épaules. Tous ont un jour été témoins des échanges de regards défiants. Tous l'ont un jour vue s'opposer à James, dont elle jugeait le comportement trop injuste ou bien trop arrogant (cette arrogance, toujours...). Tous ont vu leur leader tenter de flirter avec elle, ou bien l'inviter à sortir, juste tous les deux. Et tous l'ont vue repousser systématiquement ces tentatives. Elle n'était pas trop bien pour lui, seulement trop différente. « Il m'a dit au revoir, c'est tout. » Ils ne semblent pas convaincus, mais se taisent momentanément. Reese croise le regard de Mary et ses traits fermés suffisent à faire passer son message. Mary la connaît mieux que n'importe qui ici, saura d'instinct que ce n'est pas tout, et qu'elle lui en parlera quand le moment sera propice. L'ambiance devient trop étouffante pour elle, et s'ils se désintéressent d'elle pour l'instant, ils reviendront à la charge en voyant qu'elle n'a pas l'air aussi touchée par son départ. Sans rien dire, elle se lève et quitte la pièce, veut être seule pendant quelques heures. Son instinct lui souffle que l'absence de James dans leur vie aura un impact significatif ; un coup dont ils ne se remettront pas. C'est la fin de l'état de grâce, la fin d'une époque. Son départ sonne le glas de l'enfance : il est temps de grandir.

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