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fernand, leatherby

~ and the riddles in the pages leave at too much to guess
and the worry cracks a fracture from your hip to your chest ~
{© unknown(tumblr) ♢ half moon run (full circle)}

Spoiler:

"at first a sharpish pain that returns as a thought
that the needle in your skin will bring you closer to god"

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Le silence. Il apprécie son entièreté incomplète. Brusquement, l'écoulement monotone du ruisseau, caché derrière les arbres, parvient à ses oreilles, le faisant sursauter. Le soleil lui chatouille les paupières. La brise, douce, lui souffle sur le visage. Il ouvre les yeux sur un ciel bleu infini qui ne lui est jamais apparu aussi proche. Il prend une longue inspiration. L'air de la campagne est frais, revigorant, teinté de fleurs sauvages. Ce sont les champs de son enfance, ceux derrière la maison de ses grands-parents, ceux où il avait l'habitude de passer ses étés. Il ne les a jamais trouvé aussi beaux. Soudainement, le ciel, les arbres et les hautes herbes disparaissent pour laisser place à des murs gris. Ses pupilles s'adaptent lentement à l’obscurité. Il est parcouru de frissons et un film de sueur perle sur son front. Une forte odeur de moisi lui brûle les narines. Il est assis à même le sol : dur et froid. Dans un coin, une télévision crache des paroles qu'il ne saisit pas. Il est seul et terrifié. Il pose une main au sol. Une douleur cinglante, son sang coulant le long de son bras. Il s'est coupé : un miroir brisé. Il retient un cri quand il reconnait ses traits dans la réflexion d'un gamin terrifié. « Fern ? » L'ai lui manque. C'est comme s'il se noyait, comme s'il se débattait de toutes ses forces vers la lumière mais qu'il était incapable de l'atteindre, irrévocablement attiré vers les abysses. « Quand j'aurais compté jusqu'à trois, vous vous réveillerez. 1, 2, 3. » Il ouvre les yeux en sursaut. L'oxygène tant espéré est si bon qu'il lui brûle les poumons. Tout lui revient en mémoire : le Monet de travers, le sofa en similicuir, l’hypnotiseuse et sa voix mielleuse. « Alors, qu'avez-vous vu ? » Il doit sortir. Sinon, une crise d'angoisse l’étreindrait. Il la sent approcher. « Rien. » Il se lève, attrape sa veste à la volée et claque la porte derrière lui. Peut-être qu'il valait mieux garder certains souvenirs enfuis.

Il passe la porte du petit dinner. Il la cherche des yeux automatiquement : c'est devenu un réflexe. Il l’aperçoit, et un sentiment entre le soulagement et l'angoisse s'empare de lui. Son pouls s'accélère et devient un martèlement dans sa tête, inconstant et assourdissant. Il regrette d'avoir choisi de prendre une veste aujourd'hui. Il tourne ses iris d'un mouvement trop fougueux pour paraître naturel et s'installe à cette table isolée, près de la fenêtre, celle qu'il aime tant. Il se débarrasse de son blouson, et puis décide de le remettre. Il commence s'agiter, ses doigts pianotent sur la table, ce tic nerveux dont il ne peut se défaire. Si on lui parlait, il se mettrait sans doute à bégayer, à perdre ses mots, voire à divaguer complètement. Elle croise son regard et lui sourit et il lui semble que son coeur s'est arrêté pendant quelques secondes, se demandant s'il imagine cette douleur au creux de sa poitrine ou pas. Il voit son expression se renfermer. Oh, il avait oublié de lui sourire en retour ! Cette prise de conscience s'accompagne d'une torsion de ses traits qu'il jurerait ridicule. Elle a un petit rire (cristallin, des clochettes au vent, il promet que c'est le son le plus doux qu'il ait entendu). Elle s'approche, son carnet à la main. « Comme d'habitude ? » Ce qu'il aimerait dire : Oui, s'il vous plait ? Ça fait longtemps que vous travaillez ici ? Ça fait quelques jours que je vous croise. Comment vous appelez-vous ? Ça vous dirait qu'on prenne une tasse de thé, un de ses quatre ? Ce qu'il dit vraiment : rien, il ne fait qu'hocher la tête. « Tout de suite. » Il lui offre un dernier sourire avant de s'en aller, alors qu'il l'observe s'éloigner. Il remarque comment le soleil fait ressortir les reflets de ses cheveux, comment ses yeux se plissent quand elle rit, comment des tâches de son presque invisibles apparaissent sur ses joues maintenant que les beaux jours reviennent. Il sort son journal de sa sacoche, juste pour faire semblant d'être quelqu'un de normal. Il doit l'aborder. Quand elle reviendra avec sa commande, il l'abordera. Et après une attente qui lui parait interminable, elle revient vers lui, un plateau sur lequel ces pancakes et son café sont posés. Gracieusement, elle les dépose juste devant lui et il lui sourit de toutes ses dents, déterminé à avoir enfin un échange avec elle. C'est à ce moment-là que Ruth entre dans l'habitacle du petit restaurant, ses prunelles vives fixées sur lui et il a cette désagréable, troublante sensation d'être un gamin pris la main dans le pot de cookies défendu. Il remercie rapidement la serveuse, toute sa détermination envolée comme poussière au vent. Elle s'en va alors que Ruth approche élégamment, elle fait tourner les têtes. Elle s'installe face à lui et soupire de façon très théâtrale, elle plonge son regard dans le sien l'air grave.  « Alors c'est ici que tu te terres, à reluquer les serveuses ? Qu'est-ce qu'il y a ? Tu n'as plus envie de me voir ? J'ai fait quelque chose de mal ? J'ai l'impression que ça fait des années qu'on s'est plus parlé. » Ses grands yeux faussement innocents se remplissent de larmes et il est pris au dépourvu. Il ne sait pas pourquoi, ou comment, mais ils sont amis, Ruth et lui. C'est comme si elle avait toujours été là, depuis qu'il était arrivé ici, une figure constante dans sa vie dans chaque moment, triste ou heureux. Un part intégrante de sa structure. Ils sont si différents que s'en est risible : elle, la princesse sans titre et lui, le garçon que personne ne remarque. C'est une amitié singulière, qui ne marche pas tant que ça, mais qui dure de façon inexplicable. « Dis-moi ! » Elle exige une réponse, hausse le ton et toutes les oreilles sont braqués sur eux. Le sang lui monte à la tête. Il sort enfin de sa rêverie. « Non, bien sûr que j'ai toujours envie de te voir ! » Il s'empresse de la rassurer, de l'apaiser. Il lui prend la main (seule fille qu'il puisse toucher aussi facilement) et c'est comme si ça suffisait à la calmer. Parce qu'elle n'est pas vraiment inquiète, elle marque simplement son territoire. Elle est comme ça, Ruth, elle veut son attention et toute son attention. Et lui, moins innocemment qu'il veut bien l'admettre, il cède au moindre de ses caprices.